jeudi 8 mai 2014

Finisher - Saison 2 : Episode 11 : le boss de fin....

Pas de Marathon sans prépa, pas de prépa sans Marathon...

En route pour le Stadium d'Albi !

Episode 11 : Le boss de fin...


8 mai 2014 - quelques jours après :

"Pas de Marathon sans prépa, pas de prépa sans Marathon"...

Je crois que je ne vais pas oublier cette phrase dont je suis malheureusement l'auteur. Une semaine après le Marathon d'Albi et après une semaine de vacance en famille au vert de l'Ile de Ré , je commence enfin mon CR de mon 2ème Marathon vaincu ce dimanche 27 avril 2014 à Albi. Oui, vaincu.

Le samedi, après des semaines de préparation tronquée voire quasi inexistante à cause d'un genou droit très douloureux, d'une gastro robuste, d'une sinusite qui a viré en infection des sinus avec fièvre et le traitement aux anti-biotiques qui va avec (Cf épisodes précédents), j'étais en pleine crise d'angoisse et de doute sur ma capacité à terminer le combat qui m'attendait le lendemain.

Un coup d’œil à la météo a vite confirmé que les éléments allaient être contre moi. Pluie, orages et éclaircies annoncés. Autant dire le cauchemar du marathonien qui impose un casse tête logistique et vestimentaire pour pouvoir lutter contre ces conditions. Celui ci se rajoutant au classique départ à la fraîche puis chaleur après quelques foulées.
J'ai commencé à penser que je les espéraient ces conditions dures. Tant qu'à faire, autant que le combat soient dantesque. Et puis un Marathon sous la pluie, c'est aussi un classique du genre. Un peu comme un match de rugby dans la boue ; c'est un peu plus qu'un simple match de rugby. Tout est plus dur mais les images sont plus belles. Baroques.

Rien dans ma garde-robe running n'était adapté. J'ai donc filé au running shop du coin pour m'équiper un peu. Enfin un peu de chance dans cette préparation calamiteuse. 85€ plus tard j'étais équipé de l'arme fatale contre les conditions changeantes. J'ai déniché la veste Asics convertible qui permet de passer de la veste de pluie au gilet ample en dézippant les manches. Le tout très fin et léger tout en étant imperméable. J'aurai la confirmation le lendemain que ces 85€ auront été bien dépensés.

La soirée a été occupée à la préparation minutieuse du sac. La nuit ? Agitée comme d'habitude la veille d'une course.

Le matin est enfin arrivé et à 8h j'étais garé à quelques pas du Stadium d'Albi. La pluie et le froid matinal étaient également à l'heure au rendez-vous.

Après une préparation rapide dans la voiture option chauffage, je décidais de mettre le nez dehors pour rejoindre la ligne de départ en petit jogging en guise d'échauffement.

5, 4, 3, 2, 1 ... Partez ! Je déclenche la montre en passant sous l'arche du départ. Ce combat tant attendu et redouté venait enfin de commencer.

Je décide d'appliquer à la lettre ma stratégie, évidemment très prudente compte tenu des circonstances, et de partir très lentement pour épargner mon genou qui n'a pas été capable de me donner beaucoup de certitudes quand à sa capacité à supporter un effort si long ces derniers jours.

Les premiers kilomètres dans le centre-ville se passent bien. Je suis à un rythme très confortable autour de 10Km/h. Mon équipement est parfaitement adapté à la situation. La pluie joue sa gamme entre la bruine légère et l'orage. Elle ne me gêne pas plus que ça. Je commence même à la préférer à la chaleur accablante du Marathon de Toulouse.

Premier couac de l'organisation, j'entends l'organisation qui hurle "écartez vous !" au peloton....
Le parcours commençant par une boucle et demi dans le centre-ville avant de partir visiter les rives du Tarn, le peloton de tête a rapidement pris un tour d'avance sur le peloton des quidams et à été obligé de nous dépasser avant de pouvoir s'élancer sur des chemins plus dégagés... Quel idiotie ce parcours ! je n'ose imaginer leur rage et le temps perdu pour eux à nous dépasser, ralentir et peut être perdre leur chance de RP haute-voltige. Le tracé est à revoir absolument pour éviter que le ridicule de cette situation ne se reproduise.

Au premier ravitaillement minuscule, j'ai bien réalisé que l'épreuve était régionale et bien loin du faste de l'organisation internationale du Marathon de Toulouse. Peu importe. De toutes façons la seule chose qui compte c'est que ce parcours fasse 42,195 Km précisément. Le reste n'est qu'accessoire. Je ne suis pas fan des ravitaillement surpeuplés et je compte comme d'habitude sur mes provisions dans mon porte-gourde (gels et pastilles de boisson effervescentes GU).

Après un dizaine de kilomètre, les semi-marathoniens rebroussent chemin. Avec un couple de concurrents à coté de moi, nous savourons dans un large sourire le bonheur de voir la route beaucoup plus dégagée devant nous. "Ca fait du bien d'être entre nous !". Nous nous sentons pleinement heureux et viscéralement Marathoniens à ce moment précis. On se comprend, pas besoin de rajouter de mots. Un Marathon c'est avant tout une lutte solitaire contre ce satané bitume qui défile encore et toujours.

Le parcours suis maintenant une petite route qui surplombe la rivière, ce décor et très bucolique. Je couvre la moitié de la distance en 1h55'. 9 minutes de plus que ma seule référence 6 mois plus tôt mais parfaitement en ligne avec ma stratégie du jour. Ce temps me laisse même entrevoir un temps pas trop décevant et mon genou a apparemment décidé de me laisser tranquille.


Au bout d'une longue ligne droite, j'aperçois une des spécificités de ce Marathon : les tunnels !

Je m’engouffre dans l'obscurité glauque de ce premier tunnel. "Au moins ici il ne pleut pas...".
Ce moment que j'attendais comme un peu distrayant va s'avérer très désagréable. Il fait quasiment nuit, seules quelques veilleuses de service nous laissent à peine deviner le marquage au sol. Je ne distingue même pas les murs. Comble de la situation, le bruit des moteurs des motos de l'organisation résonne et devient assourdissant. Le tunnel est tellement étroit qu'elles nous frôlent littéralement pour se frayer un passage entre les concurrents sur l'aller de la voie de droite et les concurrents sur le retour de la voie de gauche.
Enfin j'aperçois le "bout du tunnel" (je comprends pleinement toute la signification de cette expression à ce moment là).

Retour à la lumière, à l'air frais...et sous la pluie. Pour quelques kilomètres seulement. Le deuxième tunnel arrive déjà. Pas plus agréable que le premier mais il a au moins la délicatesse d'être un peu plus court.

Ma montre GPS me confirme qu'elle n'a pas non plus aimé ce passage. Il manque 1,5km au compteur. Perdus dans l'obscurité. Je vais devoir faire des tonnes de calcul mental supplémentaires pour calculer les km restant à parcourir, mon temps à l'arrivée, etc...Ma montre n'affichera que 39km au final...
Non vraiment, le tunnel n'est pas l'ami du Marathonien.

Les ravitaillements ne proposant que des gobelets et pas de bouteilles, je dois m'arrêter pour remplir rapidement ma gourde. J'en profite pour emporter quelques morceaux de bananes et des figues séchées que j'engloutis aussitôt.

Encore quelques kilomètres et j'aperçois une estafette façon "Louis la brocante" qui barre la route déserte. Le tenancier du lieu sous un parasol en guise de parapluie m'indique qu'il faut faire demi-tour autour d'un plot pour repartir vers le Stadium..

Allez plus que 17km. Je repasse les deux tunels obscurs. La route est maintenant en léger faux-plat descendant (je n'avais pas remarqué le léger dénivelé positif à l'aller).

J'arrive au 29ème kilomètre, de plus en plus à l'écoute de mes sensations. Je sais que le mur n'est pas loin, tapi quelque part dans les broussailles, prêt à mordre.

Premiere crise de crampe sous les deux pieds. Original !

Je la repousse en tapant un peu plus mes foulées.

Mes jambes commencent à durcir. Cette impression de ne plus avoir d'amorti dans la foulée. De courir sur des échasses en bois. Chaque contact avec le sol commence à résonner dans tout le corps.

La foulée est plus laborieuse. Nouvelle crampe, plus violente, sur le coté du mollet juste avant d'arriver à un ravitaillement. Je décide de profiter de l'opportunité pour me ravitailler un peu plus longuement et faire un peu reposer la mécanique. Ma vitesse moyenne au dela de 10Km/h me l'autorise largement. Le "sub 4h" n'est pas l'objectif du jour de toutes façons. Il faut juste terminer.

Je repars. Les crampes repartent aussi. Les mollets puis les quadriceps commencent à se tordre de douleur. Pour positiver je me dis que le gros muscle derrière la cuisse ne semble pas trop souffrir aujourd'hui. A Toulouse, Il m'avait fait hurler intérieurement, grimacer, suffoquer.

Inéluctablement ma vitesse va réduire insidieusement, 10km/h puis 9,5, puis 9, puis 8,5 sous les coups des crampes.

35km, plus que 7. Je ne peux plus lacher, je vais le terminer ce putain de Marathon. Je vais l'avoir cette breloque. Je sais désormais que rien ne pourra m'arrêter. J'ai déjà courru bien plus longtemps avec un genou en feu, qui se dérobait parfois sous la douleur en me faisant presque tomber. 

Je me remémore cette séance d'entraînement ou ce genou criait pitié alors que j'étais obligé de lui infliger 8km de plus avec gros dénivelé pour pouvoir rentrer à la maison. Si cette séance avait été une catastrophe d'un point de vue qualitatif, elle avait été une formidable préparation mentale pour être capable de répondre à la situation du jour.
  
"La douleur est inévitable, la souffrance est une option" et d'autres phrases de reportages sur Kilian Jornet qui vous expliquent qu'il est tout à fait possible d'ignorer les plus violentes des douleurs me viennent à l'esprit. A ce moment précis du Marathon, celui où vous devenez un robot déglingué que rien ne peut arrêter de courir, le running laisse la place à une intense méditation. Il n'y a plus de technique de foulée, la seule chose qui compte est de continuer à avancer. Humblement, un pas après l'autre, encore et encore...

38, 39, 40, 41km. Mes jambes se raidissent parfois sans prévenir, la foulée est sacadée, convulsive. Encore une longue ligne droite au bout de laquelle j'aperçois le Stadium. Ca y est, dans quelques minutes je n'aurais plus à courir. 

Un dernier virage à gauche et je vais enfin pouvoir effectuer le tour d'une vrai piste d'athlétisme. En pénétrant dans l'enceinte, je jette un oeil à la tribune que j'espère en délire. Elle est déserte sous un orage glacial. Je continue à courir. Je passe le dernier virage et attaque le dernier 100m. L'arche rouge est au bout, c'est la fin du calvaire. De gros sanglots montent, je les ravale en voyant le visage de ma femme puis mon ainé sur le bord de la piste, puis la poussette du petit dernier. Toute la tribu est venue à ma grande surprise compte tenu du temps et de l'heure (plutôt celle de la sieste habituellement). Il ne faut pas les inquiéter. Un petit "check" à la volée avec mon fils et je passe la ligne d'arrivée quelques mètres plus loin.


Machinalement j'arrête mon chronomètre mais je ne regarde même pas le temps.

Quelques pas dos à la tribu, je n'ai que ces quelques secondes pour pouvoir m'effrondrer enfin. Quelques instants. Une bénévole viens à ma renconte pour passer la médaille autour de mon cou. "Merci". Ca y est, c'est fini. Je viens de terminer mon second Marathon.

Je peux enfin récupérer dans une orgie d'oranges, de boissons hyper sucrées, de pain d'épices de figues séchées...Le trip sous endorphine est à la hauteur de la souffrance. Heureusement.

Si j'ai terminé ce combat, cela n'a pas été sans séquelles. Pas physiques mais morales. J'ai du puiser beaucoup plus profond qu'à Toulouse pour terminer. Ce n'est pas un hasard si je livre ce CR presque 2 semaines après la course. C'est le temps qui m'a été nécessaire pour me remémorer toute cette douleur. Je n'ai pu regarder ma trace GPS qu'hier. C'est seulement aujourd'hui que me reviens l'envie d'aller faire un footing sur mon parcours préféré avec le t-shirt (immonde) du Marathon d'Albi demain matin.
Je commence même à guetter l'ouverture des inscriptions du prochain Marathon de Toulouse le 26 octobre prochain. D'ici là, j'ai un genou à soigner. J'espère ne pas être privé à nouveau d'un préparation digne de ce nom, de pouvoir sentir la grisante montée en puissance après les séances de fractionnées et les sorties longues XXL, de pouvoir attaquer l'épreuve plein de confiance.
Je sais désormais que je peux terminer un Marathon sans préparation autre que mes acquis et mon assiduité mais je souhaite ne plus jamais revivre cela. La préparation fait partie du Marathon. Alors, jamais plus de Marathon sans préparation.
 

"Un Marathon ça se termine".






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