jeudi 14 août 2014

Run Col de Val Louron-Azet

Il y a des signes qui ne trompent pas : l'achat de pompes de trail pendant les soldes, un magazine de trail en achat impulsif à la maison de la presse (avec un article "passez du Marathon au trail" qui m'a tout de suite parlé et qui me sert de tapis de souris improvisé à l'heure d'écrire ce CR), une montagne qui me narguait en guise de vue de la terrasse de notre loc à Loudenvielle,une sortie "nature" à la forêt de Buzet pour mon premier run des vacances et pour tester les sus-citées pompes de trail, une nouvelle catégorie "trail" rajoutée dans mon cher carnet d'entraînement Excel...bref hier j'ai eu ma première expérience "Trail".

Voici mon CR pour partager tout cela avec vous.

Après 2 jours passés à Loudenvielle, le matin tant attendu est arrivé. Depuis quelques semaines, inconsciemment et insidieusement, je savais que j'allais me frotter à un sommet, un col, peu importe. Je ne savais pas encore quoi mais je devais "monter" quelque part. Mon choix s'est rapidement porté sur le Col de Val Louron-Azet à 1580m au départ de Loudenvielle (967m) en suivant le GR10 (celui qui traverse les Pyrénées d'Est en Ouest).

La veille, j'avais déjà pris un rapide contact avec les chemins nature et les pentes pendant un petit run de quelques kilomètres.

Cette journée qui sentait bon l'objectif personnel a pourtant commencé en famille avec la reprise du running pour Madame w@sp après 4 ans d'arrêt et 2 maternités. En coach running improvisé, je me suis calé en meneur d'allure cool à 7-8km pour lui éviter de se dégoûter par un départ trop rapide et une inévitable explosion au bout de 10 minutes. La tactique a manifestement été payante puisqu'elle s'est régalée de son tour de lac au petit matin pendant 3,5km en 28 minutes.
Le premier objectif de la journée était atteint.

Le temps de remettre le chronomètre à zéro et de laisser Madame savourer son shoot d'endorphine sur le parking de la résidence et il était temps de passer au deuxième objectif de la journée, le mien.

Le parc qui me séparait du point de départ fut rapidement traversé et voila j'y étais enfin, mon ascension pouvait commencer.

Les premiers mètres furent idylliques. La pente était plutôt douce, le chemin large et à peine caillouteux, la forêt matinale et humide m'offrait ses plus beaux paysages et ses odeurs enivrantes.
Évidemment, cela n'a pas duré. Le chemin s'est rapidement fait plus étroit, plus caillouteux et la pente...moins douce, carrément brutale même.

Même les moins fortiches en math d'entre vous pourront vite calculer que 500m de dénivelé sur 5km de distance, cela fait une pente moyenne de 10%. Sur ce GR la notion de "moyenne" se traduit par des petits faux plat à 5% et des murs jusqu'à 18%.

Il était donc là mon adversaire du jour. Il ne se mesure pas en Km ou en minutes celui là. Il vous brise les quadriceps et vous étouffe jusqu'à ce vous vous résigniez à marcher. "Marcher", ce mot qui résonne comme un échec pour le marathonien bitumard que je suis. Aujourd'hui, je vais devoir l'accepter, l'utiliser. Heureusement que mes quelques lectures sur les courses en "montée" ont préparé mon orgueil à accepter ce passage obligé et ce nouvel état d'esprit.
Comme un jeune Jedi qui apprend à ressentir la Force, j'ai eu la joie de voir que j'acceptais ces passages marchés, que je me concentrais sur l'objectif, que j'appréciais cet environnement délicieusement hostile, préservé, sublime. Je prenais même le temps de lever la tête pour m'offrir un tour d'horizon.

Malgré le décor, l'effort était raide. Ma montre cardio était bloquée à plus de 90% de FCM, mes quadris prêts à exploser et mon souffle ressemblait plus à un vieil aspirateur fatigué qu'au bruit feutré et régulier de mon allure marathon.
Le moral pris un coup à la lecture de mon allure instantanée sur l'écran de ma montre : 14 minutes au kilomètre !
Dur quand on est habitué à voir du 5 minutes/km environ...

"Allez, c'est pas le moment de flancher, après la montée il y aura une descente comme récompense."
Arrivé à la ferme que je voyais de la terrasse de la loc, je compris que j'étais loin de la fin de mon périple. Après 400 mètres de dénivelé en 35 minutes environ et 3km seulement, le brouillard épais laissait deviner un horizon de côtes et de vallons au milieu des pâturages. Le col était encore à 2Km et 200 mètres de dénivelés environ. Caché dans l'épais brouillard.

Parlons en du brouillard. Alors qu'une marque du GR m'indiquait de descendre dans un vallon ("je ne suis pas censé monter?") je me suis un peu égaré incapable de voir la prochaine marque et la direction à suivre. Je me suis retrouvé coincé au bord d'une immense flaque de boue profonde à coté d'un abreuvoir à vache. Le troupeau ne devait pas être loin, j'entendais une fanfare de cloches tout près mais impossible de voir le moindre ruminant dans cette mer de brouillard humide et glaciale. Je me félicitait d'avoir emporté mon coupe vent testé lors du dernier Marathon d'Albi sous la pluie.
Que faire? Et surtout, où aller? Manifestement j'étais perdu et c'est en me décidant à rebrousser chemin à la recherche de cette fichue marque que j'ai ressenti une joie immense et savouré pleinement ce qu'étais la course en pleine nature. Je n'avais plus envie de regarder mon allure sur ma montre. La satisfaction venait d'ailleurs aujourd'hui. Il suffisait d'arriver en haut. Je me suis même décidé à d'immortaliser cette expérience avec quelques photos de cette mare de boue que je ne suis pas prêt d'oublier. Ce fut mon bénitier. A ce moment précis je me suis senti trailer. J'ai pensé à la Diagonale des Fous, à l'UTMB et j'ai enfin envié les participants de ces défis hors normes qui peuvent s'enfiler l'équivalent de 10 fois le kilométrage et environ 15 fois le dénivelé de mon parcours du jour...
J'ai finalement retrouvé ma trace (et même remis sur la bonne route un couple de randonneurs également un peu égarés). La pente se fit plus douce et j'ai pu parcourir le dernier kilomètre en courant à nouveau et plus en marchant (pour ne pas dire ramper, patauger ou escalader). Je traversais allègrement les massifs de fougères gorgés d'eau et qui m'arrivait jusqu'aux épaules. Ces douches à répétition furent ma bénédiction, j'ai pris un plaisir enfantin et sincère à me faire asperger et sortir ruisselant de ces bosquets. J'étais trempé jusqu'aux os et recouvert de boue jusqu'au genoux. Quel pied ! J'ai sans doute ressenti ce que doit ressentir mon miniw@sp1 à sauter dans des flaques d'eau et me regarder hilare ensuite. C'est vrai que c'est marrant !Avec l'âge, je l'avais oublié. Parents : ne grondez jamais vos enfants quand ils feront cela, faites le avec eux plutôt ;-)

Quelques centaines de mètres plus loin et après un retour sur un semblant de route, j'aperçus enfin mon Graal à travers le brouillard : le panneau qui indiquait "Col de Val Louron-Azet (Alt. 1580m)"
Ca y est j'y étais arrivé après 5km d'une ascension intense en 1heure environ.

Je pouvais savourer en sachant que la descente qui m'attendait n'allais être que du bonheur et que j'allais pouvoir être à l'heure pour l'apéro en famille bien mérité.

Le temps de quelques photos au pied du panneau avec la complicité de 2 randonneurs espagnols sympas (mais qui ont eu du mal à apprivoiser mon vieil Xperia Mini pro que j'avais emporté en guise d'appareil photo), de vider mes chaussures des gravillons récoltés pendant l'ascension, de boire un petit coup de mon bidon Isostar Cola et j'étais reparti.

Inévitablement la musique du groupe Two doors cinema club m'est venu en tête. C'est leur chanson "what you know" qui accompagne la scène de la descente de Killian Jornet du Mont Olympe dans le reportage "Intérieur sport" qui lui est dédié (et qui est sans doute pour beaucoup dans le fait que je me sois retrouvé là ce jour là...impossible de ne avoir envie de partir gambader dans la montagne après avoir vu ça).
Cette chanson me renvoie une grisante sensation de légèreté, de vitesse, de liberté qui va parfaitement avec une descente où on peut enfin lâcher les chevaux après une longue montée au frein à main : c'est la récompense, le bonheur.

Le brouillard décidément joueur aujourd'hui m'a fait faire un nouveau détour imprévu dans la station de Val Louron avant de retrouver mon GR que je n'ai plus perdu jusqu'à l'arrivée.
La petite trentaine de minutes de descente fut euphorique. J'ai recroisé et salué les randonneurs perdus croisés plus tôt en les dépassant version Ferrari contre tracteur, j'ai encore fait une pause dans un secteur plus glissant et lent pour photographier la rivière qui me servait de chemin et la petite cascade un peu plus haut, j'ai littéralement volé sur les passages plus roulant sous les yeux des randonneurs pépères chargé de leur lourds sac à dos (je n'avais emporté que mon porte-bidon et ma montre). J'ai ignoré le réveil de ma vieille tendinite à la patte d'oie de mon genou sentant l'arrivée proche. Un peu trop même, je suis arrivé trop vite dans un virage serré et j'ai finit le cul dans l'herbe. Un fois les muscles refroidis, j'ai du constater que j'avais payé par une petite entorse de la cheville cette cavalcade effréné. Ça en valait cent fois la peine.
Je suis enfin arrivé dans le parc paisible et plat de Loudenvielle, à quelques mètres de ma résidence. J'étais euphorique, j'avais envie de dire bonjour à tout le monde, même à la mémère qui promenait Pépète (ce que j'ai fait d'ailleurs).

Avec un peu de recul, il me reste l'impression d'avoir franchit un nouveau cap dans mon expérience de la CAP. Pas aussi important que mon premier Marathon mais plutôt l'impression d'avoir trouvé un nouveau chemin synonyme d'efforts différents, de liberté, de se retrouver à nouveau soumis à l'élément naturel qu'il faut apprivoiser ou subir comme dans ma précédente vie de surfer/windsurfer que je retrouverais sans doute dans quelques années quand les miniw@sp auront un peu grandit.

Cette première grande expérience en course nature (même si extrêmement modeste avec seulement 10 petits Km et moins de 800m de D+, autant dire un petit entraînement pour les trailers plus expérimentés qui lisent ce CR)  aura pourtant été brutale pour moi : une grosse montée pendant laquelle j'ai trop souvent marché alors que je préfère courir, une grosse descente qui aurait pu être un calvaire pour mes genoux si elle avait été un peu plus longue.

A l'avenir, j'essaierai de choisir des parcours un peu moins pentus pour rester du coté running et ne pas tomber dans la rando sportive. C'est d'ailleurs ce que j'ai fait aujourd'hui avec un 15km et 560m de dénivelés beaucoup mieux répartis sur le parcours (ce que ma cheville n'a pas du tout apprécié et à qui je vais accorder quelques jours de repos).

Voila, ce CR est terminé. Pour la suite je lorgne déjà sur une ascension du Canigou et une participation à un trail de 20-30km mais ça, ça sera après mon 2ème Marathon de Toulouse fin octobre. Une nouvelle expérience...moins salissante sans doute ;-)




  





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